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39 ‖ JUIN 2024
La contribution mitigée de l’Union africaine (UA) dans la gestion des conflits en Afrique
Résumé
L’Union Africaine, organisation continentale Africaine a été fondée en 2002 et regroupe la quasi-totalité des pays africains. Elle a été mise en place dans le but de consolider les acquis de son ancêtre l’OUA. Sa vision selon son acte constitutif et le protocole sur les amendements à l’Acte constitutif de l’Union Africaine reste donc celle « d’une Afrique intégrée prospère et pacifique, dirigée par ses propres citoyens et représentant une force dynamique sur la scène internationale »1.
Afin d’atteindre ses objectifs de paix et de sécurité l’Union Africain a mis en place un certain nombre de dispositifs prometteurs. Les efforts de l’organisation en matière de paix et de sécurité ne sont plus à présenter, allant de l’adoption de textes à la création d’institutions dont la volonté et l’efficacité sont observables à travers un cadre pratique bien déterminé. Les apports de l’union dans la gestion de la paix et de la sécurité en Afrique subsaharienne ont permis de prévenir et de prendre en charge plusieurs conflits.
Toutefois, en dépit de ses bonnes résolutions en 2024 encore, les conflits persistent en Afrique et des populations des pays comme le Niger, le Mali ou le Burkina Faso vivent dans l’angoisse et l’incertitude dues à des actes terroristes sur certaines parties de leur territoire attestant ainsi des faiblesses de l’organisation.
Les chefs d’Etat africains qui ont misé sur leur forte collaboration avec l’Union Africaine(UA) et les communautés économiques régionales (CER) voient leur alliance confrontée à d’énormes difficultés d’ordre organisationnel, décisionnel, financier et institutionnel. Face à ces difficultés, l’organisation peine à atteindre les résultats escomptés remettant ainsi en cause sa crédibilité
Abstract
The African Union, a continental African organization, was founded in 2002 and includes almost all African countries. It was established to consolidate the achievements of its predecessor, the OAU. According to its Constitutive Act and the Protocol on Amendments to the Constitutive Act of the African Union, its vision remains that of "an integrated, prosperous, and peaceful Africa, driven by its own citizens and representing a dynamic force on the international stage." To achieve its objectives of peace and security, the African Union has put in place several promising mechanisms. The organization's efforts in peace and security are well-known, ranging from the adoption of texts to the creation of institutions whose commitment and effectiveness are observable through a well-defined practical framework. The Union's contributions to managing peace and security in sub-Saharan Africa have helped prevent and address several conflicts. However, despite its good resolutions, conflicts still persist in Africa in 2024, and populations in countries like Niger, Mali, and Burkina Faso live in fear and uncertainty due to terrorist acts in some parts of their territories, highlighting the organization's weaknesses. African heads of state, who have relied on their strong collaboration with the African Union (AU) and regional economic communities (RECs), see their alliance faced with enormous organizational, decision-making, financial, and institutional challenges. Faced with these difficulties, the organization struggles to achieve the expected results, thus calling into question its credibility.
Table des matières
Texte intégral
25-42
01/06/2024
Introduction
1L’Union Africaine (UA) fournit d’énormes efforts dans divers domaines aussi bien dans le domaine du développement, de la promotion et de la protection des droits de l’homme que dans le domaine de la gestion de la paix et de la sécurité régionale (MVELLE, G., ZANG, L. 2017 : 13). Aussi peut-on dire que 19 ans après l’adoption de son acte constitutif, malgré tous les efforts pour assurer la paix et la sécurité en Afrique en particulier, l’UA reste confrontée à plusieurs défis à la fois structurels que conjoncturels2.
2Vingt-deux (22) ans après sa création, l’Union Africaine compte la quasi-totalité des pays africains soit 55 membres3, ceci devrait lui permettre d’avoir à travers l’unité constante des pays africains une place de choix sur la scène internationale. Cependant, la croissance des conflits de toutes sortes au sein de l’UA ont conduit à un ralentissement de celle-ci dans l’atteinte de ses objectifs. Par ailleurs, selon le journaliste SEIDICK Abba rédacteur du journal Jeune Afrique « …les choses sont lentes mais avancent, car il y’a beaucoup de résultats qui ont été obtenus depuis la création de l’UA en 2002 »
3Aussi, se demande-t-on quelle est la contribution réelle ainsi que les failles de l’UA en matière de gestion des conflits sur le continent africain ?
4La présente analyse vise, autant que possible, à faire ressortir d’une part les apports de l’UA dans la prévention et la gestion des conflits en Afrique, particulièrement dans sa partie subsaharienne, et d’autre part les difficultés et limites que rencontre l’Union dans la quête de la paix continentale.
5Pour ce faire, cette étude se fonde sur la documentation existante, fournie par une multitude d’auteurs intéressés par l’institution régionale depuis sa création en 19634 jusqu’à nos jours. Elle s’appuie aussi sur les expériences de l’Union à travers les actions menées afin de voir dans quelle mesure l’institution régionale a aidé l’Afrique dans sa recherche de stabilité, et en particulier dans la lutte contre le terrorisme qui s’affirme comme l’une des menaces majeures sur le continent.
6Enfin, le travail de démonstration qui suit, va ainsi s’articuler autour des deux idées-forces: d’abord un premier point traitera des efforts de l’UA dans le cadre de la gestion de la paix et de la sécurité (I), ensuite le second point mettra l’accent sur les faiblesses qu’elle rencontre (II).
Les efforts de l’UA dans la gestion de la paix et de la sécurité en Afrique subsaharienne
7A ce niveau, la présente étude s’intéresse aux apports de l’Union Africaine dans le cadre du maintien de la paix et de la sécurité. En effet, pour assurer une bonne gestion de conflits, l’UA s’est dotée d’un certain nombre d’institutions dont il convient de situer le cadre théorique (I.1) et le cadre pratique (I.2) de leurs interventions.
Le cadre théorique de gestion des conflits de l’UA
8L’UA s’est dotée d’un cadre normatif à travers les textes de référence dont l’application volontaire ou involontaire conduira à des solutions de problèmes d’insécurité, mais aussi d’un cadre institutionnel pour la mise en œuvre de ses textes.
9LE CADRE NORMATIF. Plusieurs conventions dont l’UA est signataire définissent ce cadre. La plus fondamentale demeure l’acte constitutif de l’UA qui détermine l’essentiel de l’ordre communautaire et panafricain institué globalement sur le continent. En matière de paix et de sécurité, la signature de cet acte constitutif constitue un tournant décisif dans les relations étatiques sur le continent africain. En illustre entre autres l’institution du droit d’intervention militaire sur des bases humanitaires en cas de crimes contre l’humanité (Acte constitutif de l’Union Africaine,2000 :7 ).
10Cette institution prend de l’ampleur avec l’entrée en vigueur du protocole de création du Conseil de Paix et de Sécurité (CPS) de l’union Africaine le 26 décembre 2003. Elle demeure la prière angulaire d’un vaste projet pour la paix et la sécurité en Afrique5.
11A cet élan nouveau, vient s’ajouter la convention d’Alger de 1999 sur la prévention et la lutte contre le terrorisme, adoptée par l’OUA et complétée par le protocole additionnel adopté à Addis Abeba le 08 juillet2004, qui a pour objectif de renforcer la mise en œuvre efficace de la Convention et de donner effet au protocole relatif à la création du CPS.
12Il faut aussi noter l’existence de plusieurs résolutions prises dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, les conflits asymétriques en vue de maintenir la paix et la sécurité en Afrique. On peut retenir ci-après les plus fondamentales de ces résolutions :
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La résolution R 84/211/98 condamnant le terrorisme, adopté à Niamey en aout 1998 ;
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La résolution R 129/30/10 sur « la préservation de la paix et de la stabilité sociale à travers le renforcement de la bonne gouvernance », adoptée à Malabo en décembre 2010 ;
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La résolution R 134/36/13 sur « le rôle des parlements africains dans la mobilisation des efforts des gouvernements et des peuples en vue de mettre fin à toutes les formes de conflits armés sur le continent africain »,adoptée à Libreville en novembre 2013 (MVELLE, G., ZANG, L. 2017 : 129.).
13LE CADRE INSTITUTIONNEL. Les activités de l’UA sont mises en œuvre par le biais de plusieurs organes de décision6dont le Conseil de paix et de sécurité (CPS) qui est l’instance régionale chargée de la paix et de la sécurité et qui nous intéresse particulièrement.
14En effet, le CPS est l’organe décisionnel permanent de l’UA pour la prévention et la gestion des conflits. Il est censé servir d’instrument de sécurité collective pour une réponse efficace aux situations de conflit et de crise existantes et émergentes en Afrique. Depuis son opérationnalisation, le CPS n’a cessé de chercher des solutions aux différents conflits et crises qui prévalent en Afrique(AMOUSSOU, .F. , and DR PEMBOURA, A. 2019 : 27). Les objectifs du CPS sont ainsi définis par l’article 3 du protocole7.
15Le CPS est la clé de voute de l’APSA qui est conçue comme un ensemble d’outils fonctionnels autour du CPS, avec pour vocation de répondre de manière globale à la complexité des crises et des conflits. Pour mener à bien ses objectifs, l’APSA s’appuie sur plusieurs instruments tels que :
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Le conseil pour la paix et la sécurité comme organe de décision ;
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Le système continental d’alerte rapide et le conseil des sages comme mécanismes de prévention et d’analyse et d’évaluation ;
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La Force Africaine en Attente comme instrument d’action.
16Au mieux, cette institutionnalisation s’est ainsi bâtie sur des reformes normatives qui ont permis aux instances africaines de renforcer leurs mandats et les statuts des institutions existantes en vue de les adapter aux besoins croissants de paix et de sécurité (STALON, J-L. 2007 :47-58).
Le cadre pratique de gestion des conflits de l’UA
17En principe, pour résoudre les conflits, l’UA fait recourt à un certain nombre d’instruments. Ces derniers sont de trois types et vont de la prévention à la gestion des conflits. Notons par ailleurs que c’est lors de la 29emesession du 30juin 1993 de la Conférence des chefs d’États et de gouvernements qu’est adoptée à l’unanimité la Déclaration instituant le mécanisme de prévention et de gestion des conflits(Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement 29eme session ordinaire 28-30 juin 1993. AHG/Decl.3(XXIX).p.3)8.
18La prévention des conflits de l’UA part donc des mesures prises ainsi que des actions menées, avant, pendant et après le conflit, afin d’en prévenir l’éclatement et de limiter son évolution ou alors d’en conforter la résolution. Partant de cela, toutes les actions menées par l’Union Africaine peuvent être considérées comme des mesures préventives. Et ici la prévention peut se définir comme toute mesure visant à empêcher la survenance ou la généralisation d’un conflit (MVELLE, G., ZANG, L. 2017 : 160).
19Les actions de l’UA dans le cadre de la prévention et la gestion des conflits sont de trois types : les missions sur le terrain, les commissions d’enquête et les actions diplomatiques9. Il s’agit donc de la diplomatie, de la médiation et des opérations de soutien de la paix.
20LA DIPLOMATIE PREVENTIVE. Celle-ci se réfère aux « mesures visant à ce que les controverses existantes ne se transforme pas en conflits et le cas échéant, à éviter que ces conflits s’étendent » (Ministère des affaires étrangères et de la coopération,2017 :1). La prise de conscience de l’Afrique dans la nécessité de chercher des solutions aux conflits qui règnent en Afrique n’est pas nouvelle. Ainsi, sur le plan continental, la communauté internationale n’est plus la seule à intervenir en matière de paix et sécurité pour chercher des solutions aux crises africaines, elle bénéficie de la bonne collaboration des organisations régionales et sous régionales.
21Aussi assiste-t-on à l’institutionnalisation progressive des relations entre les organisations régionales africaines et les organisations internationales dans le cadre de leurs actions en faveur de la paix. Cette mutation de la diplomatie de la paix provient des structures sous-régionales et régionales comme la Communauté des états de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), la Communauté des États Sahélo-Sahariens (CEN-SAD) et de l’Union Africaine. A titre d’illustration, nous avons la gestion de la crise ivoirienne à travers la collaboration entre les Nations Unies et les instances régionales dans la recherche de la paix (STALON, J-L., 2007 : 4). Ainsi la CEDEAO est l’initiateur des mécanismes de règlement de la crise ivoirienne en adressant des recommandations à l’UA qui prend une décision qu’elle adresse à l’ONU afin de procéder à l’adoption d’une résolution10.
22LA MEDIATION.C’est une pratique comprise comme l’entremise d’un tiers neutre entre deux ou plusieurs parties en vue de les concilier ou de les réconcilier. C’est un procédé qui intervient avant, pendant et après le conflit. Aussi dans sa quête de la paix en Afrique l’UA s’est beaucoup servie de la médiation, soit toute seule, soit en collaboration avec d’autres organisations sous régionales africaines.
23Ce qui fut le cas avec la crise ivoirienne de 2002, une crise dans laquelle l’UA a participé indirectement au niveau de la médiation confiée à la CEDEAO qui était dotée d’un mécanisme de prévention et de gestion de conflit depuis 1999. Cette participation de s’est manifestée non seulement par la présence du président en exercice de l’UA, Thabo Mbeki, au sommet extraordinaire de la CEDEAO à Accra le 29 septembre 2002, mais aussi par la désignation de Miguel Travoada comme envoyé spécial pour appuyer les initiatives de paix et de médiation de la CEDAO dans cette crise.
24En matière de médiation nous pouvons également évoquer l’avancée de l’organisation en la matière par le fait que lors du 33emeSommet annuel de l’Union Africaine, le Secrétaire Générale de l’ONU, Antonio Guteres, s’était dit favorable à ce que l’UA joue un rôle plus important dans la médiation de la crise Libyenne(Le Point Afrique, 2020 :1).
25LES OPERATIONS DE SOUTIEN DE PAIX.L’UA a déployé plusieurs missions de paix sur le continent, soit directement sous sa conduite, soit en coopération avec les CER ou les Nations unies. La pratique d’envoi des missions sur le terrain est l’une des mesures de prévention des conflits le plus abordé par l’UA. Plusieurs initiatives d’opération de soutien à la paix sous commandement africain ont été déployées depuis 2004 jusqu'à aujourd’hui. L’Union Européenne (UE) a affecté plus de 1,6milliard d’euros aux Opérations de paix et de sécurité (OPS) qui représentent le principal domaine d’engagement au titre de la Facilité de soutien à la paix pour l’Afrique (APF). Deux cas peuvent être cités :
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Le conflit somalien. Lors de la guerre civile en 1991, la Somalie était privée de gouvernement. Aussi le CPS de l’UA accepte finalement de réponde en 2005 à la demande du président somalien, Abdullahi Youssouf, et déploie une mission d’appui à la paix en Somalie avec pour mandat la protection d’installations importantes et l’appui aux actions du GFT dans le domaine de la sécurité et de la surveillance du cessez le feu(MVELLE, G., ZANG, L., 2017 : 161).Toujours en Somalie, nous pouvons citer le déploiement de la mission de l’UA en Somalie (AMISON) qui a réalisé plusieurs actions politique et militaire dont la contribution à l’amélioration de la situation sécuritaire requise pour établir les nouvelles institutions fédérales en 2012, l’adoption d’une nouvelle Constitution, ainsi que plusieurs victoires militaires contre les insurgés d’Al-shabaab( Communiqué de presse de lacommission européenne. 2019 : 1). Ce qui a considérablement changé les conditions de vies des personnes touchées par Lord Resistance Army (RLA).
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Les conflits en République centrafricaine et au Mali. En Centrafrique, le CPS de l’UA a approuvé le déploiement de la mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine(MISCA) à la suite de la crise politique de 2012-201311.Au Mali aussi, face à la crise qui a occasionné beaucoup de dégâts dans le pays et aux pays voisins, la CEDEAO et le Gouvernement malien ont sollicité une intervention militaire en décembre 2012 que le Conseil de sécurité de l’ONU a autorisé à travers le déploiement d’une mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (MISMA) pour préserver l’unité du pays et rétablir la sécurité.
26Toutes ces opérations ont permis de mettre fin à certains conflits sur le continent et de faciliter les périodes de transition de la guerre à la paix dans plusieurs États. Elles ont aussi contribué à atténuer des crises humanitaires et modifier les perceptions de la guerre et de la paix parmi les protagonistes dans certains conflits (AMOUSSOU, .F. , and DR PEMBOURA, A., 2019 : 17).
les faiblesse de l’UA dans la gestion de la paix et de la sécurité en Afrique Subsaharienne
27Les multiples actions de prévention des conflits en Afrique de l’UA, fort des solutions qu’elles apportent, demeurent non opérationnelles ou tardent à l’être. L’UA se heurte ainsi à des difficultés d’ordre organisationnel et décisionnel et financier (II.1) auxquelles s’ajoute l’ambigüité des relations entre elle et les autres organisations régionales (II.2).
Les limites d’ordre organisationnel et décisionnel
28Les actions menées par l’UA pour chercher des solutions durables aux conflits n’ont pas toujours conduit aux résultats escomptés. Aussi, l’organisation est-elle confrontée à des difficultés aussi bien au niveau dans la conduite de ses opérations que dans le partage des tâches avec les CER.
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L’incapacité de l’UA à conduire seule des opérations multidimensionnelles de soutien à la paix. Concernant les OSP notons que toutes les activités liées à l’autorisation du déploiement et à la conduite des opérations sont prises en compte. Classiquement, les activités analysées dans le cadre de ce type d’instruments vont de l’organisation d’une réunion de mobilisation des ressources à l’autorisation ou à l’octroi d’un mandat de déploiement d’une opération de soutien à la paix, en passant par le déploiement de cette opération ou la propagation de son mandat.
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On peut en déduire l’efficacité d’une mission de paix en général par la réalisation des résultats escomptés. Ainsi, concernant les opérations menées par l’Union Africaine, l’avis de la majorité est que le succès des OSP est inférieur à celui affirmé officiellement. Au niveau de plusieurs conflits, le succès des interventions de l’UA n’est pas totalement satisfaisant. A titre illustratif, nous avons le cas conflit somalien ou la demande d’aide à l’UA avait pris une année avant de recevoir une réponse de la part de l’organisation. La réponse tardive de l’UA se remarque également dans le conflit du Soudan qui avait éclaté en février 2003 pour avoir une réponse de l’UA qu’en Avril 2004. Au Soudan, la mission de l’UA (MUAS), malgré les 7000 Casques blancs, la situation échappe à tout contrôle. En effet, les forces ne parviennent pas à empêcher les massacres du fait de l’incompétence de l’encadrement et l’insuffisance des moyens (MVELLE, G., ZANG, L, 2017 : 161).
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Il est admis qu’une OSP s’est avérée efficace si les conflits violents sont réglés et des accords de paix signés ou en cours d’établissement (AMOUSSOU, F, and DR PEMBOURA, A. 2019 : 44).Dans le cadre de l’étude de l’UA, trois principaux critères sont pris en compte pour apprécier la réussite des OSP :
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La rapidité, la détermination et la pertinence d’une intervention ;
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L’atteinte des objectifs prévus selon le mandat de la mission,
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La contribution de l’intervention à la désescalade du conflit ;
En se basant sur ces trois critères d’évaluation une intervention peut être catégorisée en trois modalités:
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« Succès »
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« Succès partiel »
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« Échec »
29Ainsi en se basant sur cette méthode d’évaluations, on peut conclure que certes la quasi-totalité des interventions de l’UA peuvent être menées tel que prévu, mais elles n’atteignent pas les objectifs prévus en termes d’escalade des conflits12.
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L’insuffisance de consensus des États sur les modalités de gestion des conflits sur le continent. A ce niveau, il convient de relever l’absence fréquente de consensus entre les États africains sur l’appréciation et les modalités de règlement des conflits sur le continent qui ne facilite pas la réalisation de leurs engagements. Ce qui explique les hésitations et les retards dans le déploiement des troupes africaines ainsi que les interventions multiples ayant les mêmes objectifs13. Il existe un manque de communication et de collaboration certaine et en temps réel entre les CER et l’UA ce qui bloque ou réduit considérablement la capacité à bien résoudre un conflit au sein du contient. Ainsi, l’UA en tant qu’organe chargé des affaires africaines et les CER des éléments incontournables de l’intégration continentale, il est nécessaire que ceux-ci coordonnent bien surtout en matière de paix et de sécurité. Allant dans le même sens, la première réunion semestrielle de coordination de l’Union Africaine à Niamey le 7juillet 2019, les dirigeants africains ont réaffirmé leur volonté à ouvrer pour une Afrique pacifique à travers une forte coordination entre les CER et l’UA.
Les limites d’ordre financier et institutionnel
30L’UA ne dispose pas encore de ressources nécessaires au financement de ses différentes actions. Aussi, se confronte-t-elle à un blocage crucial causé par l’aspect financier sans oublier celui causé par l’ambigüité des relations entre l’UA et les CER.
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Le financement des opérations de l’UA. Ainsi, le financement des FAA reste fortement dépendant non seulement de l’extérieur et particulièrement de l’UE. Le financement des opérations de l’UA provient des contributions des États, du fond pour la paix de l’UA, des partenaires internationaux, mais aussi du budget statuaire de maintien de la paix des Nations Unies.
31Les mécanismes africains de gestion des conflits sont de manière générale financièrement faible. Aussi font-ils appel à des bailleurs internationaux qui financent plus de la moitié de leur budget global. C’est pourquoi l’Afrique n’a jamais pu à elle seule financer entièrement, par fonds propres, même une seule opération de maintien de paix en raison du coût excessif de cette dernière. Aussi l’ONU apportera-t-elle sa contribution à l’UA et à d’autres organisations régionales, parfois avec l’aide de l’UE, pour assurer les opérations de maintien de la paix. Ce qui conduit au partage de la charge du maintien de la paix en Afrique (ARIS, S., and KÖNIG, k., 2018. : 1.).
32Le financement des opérations de maintien de paix des Nations Unies incombe à tous les membres de l’organisation. Le budget annuel s’élève à plusieurs milliards de dollars. Par exemple le budget approuvé pour deux opérations de maintien de la paix des Nations Unies pour l’exercice allant du 1er juillet 2018 au 30 juin 2019 est d’environ 6,7 milliards de dollars avec un soutien logistique à la Mission de l’Union africaine en Somalie (A/C.5/72/25)14 .
33Le continent africain constitue la plus grande préoccupation des Nations Unies dans le sens où il consomme une partie importante de son budget. Il en est ainsi de la MINUSMA15 et de la MONUSCO16, qui ont un budget d’un milliard de dollars chacune (De Jong, peer.,2009 : 24).Toutefois il faudrait noter que cette aide financière extérieure est assortie de certaines conditions. Or, ces conditionnalités des bailleurs limitent la marge de manœuvre de l’UA dans le choix de ses priorités ainsi que les délais souvent longs de mise à disposition des financements s’entrainent des retards dans la réalisation dans activités de l’organisation panafricaine (AMOUSSOU, Général Fernand Marcel, and DR PEMBOURA, Aicha. ,2019 :64).
34Présentement, l’Union ne possède pas de méthode de financement fiable et durable. Car plus de 40% des États membres ne versent pas ou tardent à verser leurs contributions annuelles à l’organisation. Ce qui fait que 70% du budget de l’Union se trouve principalement financé par des bailleurs de fonds extérieurs. A cela j’ajoute l’inexistence de règles fixes et imposables en matière de contrôle du budget et de gestion financière (UNION AFRICAINE (2019.p.1)17 .
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L’ambigüité des relations entre l’UA et les CER. Le partage de responsabilité dans la gestion et le règlement des conflits entre l’UA et les CER n’est pas aisé. Ces dernières ont investi le champ politique de l’Union et ce sont appropriées la responsabilité du maintien de la paix et de la sécurité dans leur espace respectif. Elles souhaitent jouer non seulement un rôle important au niveau d’analyse des crises qui les concernent directement dans leurs régions respectives, mais aussi la gestion et la résolution de celles-ci. Ce qui parait remettre en cause le rôle de l’UA qui ne se limite désormais qu’à la coordination des stratégies sous régionales de sécurité ou à celui d’intégration de la sécurité au plan continental (AMOUSSOU, Général Fernand Marcel. , and DR PEMBOURA, Aicha. ,2019 :46).
Conclusion
35La participation de l’UA dans la gestion des conflits en Afrique est une aubaine pour le continent vu l’ampleur et complexité des conflits sur toute l’étendue du continent. Les efforts de l’organisation ne sont pas à contester, mais se heurtent à des obstacles de toute sorte rendant impossible la réalisation des objectifs de paix que l’UA s’était fixé.
36La création d’une Afrique pacifique à travers le rétablissement de la paix et la mise en place de mécanisme empêchant le déclanchement de conflits futurs tel que voulu et prévue par l’organisation continentale passe nécessairement par l’acceptation réelle de l’UA18 comme mandataire principal de la paix et de la sécurité sur toute l’étendue du continent. Or, dans les faits, la concurrence régnante entre l’UA d’autres institutions africaines relative aux actions questions de paix, l’absence de coordination entre l’UA et les CER, le manque de clarté et de respect du principe de subsidiarité ainsi que le manque de moyens financiers et opérationnels de l’organisation font que celle-ci jusqu'à 2024 n’a pas abouti aux résultats escomptés. Ces difficultés multiples et multiformes font que l’esprit panafricain ainsi que l’efficacité de l’organisation est remis surtout lorsque l’on se rend compte que celle-ci n’hésite pas à utiliser de lourde sanction à l’encontre de pays membre déjà en difficulté comme ce fut le cas du Niger en 202319.
37Le rêve africain de l’UA reste un bien beau rêve qui pour être réalisé doit d’abord commencer par une réorganisation de l’organisation qui doit plus correspondre aux besoins africains (peuples) et à l’intérêt du continent par-dessus tout qu’aux besoins des seuls dirigeants Africains (Les chefs d’Etat).L’UA tout comme les autres organisations africains regroupant des pays africains doit faire de la préoccupation des peuples africains et des besoins de l’Afrique une priorité et non une option au bon gré de l’occident.
Bibliographie
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De JONG, Peer, vers une africanisation des opérations de maintien de la paix. Paris, Harmattan, 2009, 226p .
MVELLE, Guy ; ZANG, Laurent, l’Union africaine quinze ans après tome2, Paris , l’Harmattan, 2017, 310p.
ARIS, Stephen ; KÖNIG, kirsten , « Le maintien de la paix en Afrique : Mali et Somalie », Politique de sécurité : analyses du CSS . No 236, 2018, pp.1-4.
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Notes
1 Acte constitutif de l’Union Africaine signé à Lomé au Togo le 11juillet 2000 , Article 3 portant sur les objectifs, p5-6.
2 MVELLE Guy. and ZANG Laurent. Tome 2, 2017 :13.
3 L’Union compte presque la totalité des pays de l’Afrique après la réintégration du Maroc en janvier 2017 à l’exception de la Somaliland qui n’est pas considérée comme un Etat. Notons par ailleurs qu’en raison du coup d’Etat militaire du 26juillet 2023 le Niger à été temporairement suspendu de l’Union. https://www.donneesmondiales.com/alliance/union-africaine.php Consulté le 28/01/2024 à 12h50
4 25 mai 1963 création de l’organisation de l’unité africaine à Addis-Abeba en Ethiopie qui deviendra plupart l’Union Africaine.
5 Ce projet englobe des concepts tels que la prévention des conflits, l’alerte précoce, la diplomatie préventive des conflits, la consolidation de la paix.
6 Les organes principaux sont entre autres : la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement, le conseil exécutif, le comité des représentants permanentsle COREP, les comités techniques spécialisés (CTS) , le conseil de paix et de sécurité t la commission de l’Union Africaine. https://au.int/fr/appercu consulté le 03/12/2020
7 Les objectifs du CSP sont : La prévention des conflits, la promotion et la mise en œuvre des activités de consolidation de la paix, coordination et harmonisation des efforts du continent en matière de prévention des conflits(Protocole relatif à la création du conseil de paix et de sécurité de l’Union Africaine,2003 : Article 3).
8 Le paragraphe 15 de ladite déclaration stipule « Le mécanisme aura pour objectif premier de prévoir et de prévenir les conflits. En cas de conflit, il aura la responsabilité de rétablir et de consolider la paix en vue de faciliter le règlement du conflit »
9 Ibid
10 Cette procédure a conduit à l’adoption de résolutions relatives aux arrangements politiques et aux mesures de gouvernance pour la mise en place d’une transition en Côte d’Ivoire, il s’agit des résolutions 1633 en octobre 2005 et 1721 en Novembre 2006 du conseil de sécurité (STALON, Jean-Luc., 2007 : 4-5).
11 Lorsque les force de la SELEKA(opposition) se sont emparées de la capitale forçant le président François à fuir.
12 Ceci est parfois dû à l’absence de compromis entre les parties au conflit. Aussi les conflits violents sous intervention de l’UA ont pour la plus-part des succès mitigés ce qui ne permet à aucune OSP d’être catégorisés de totalement réussie. AMOUSSOU, Général Fernand Marcel. , and DR PEMBOURA, Aicha, 2019, p 45.
13 Mises en place au Soudan de processus de paix aussi bien par l’UA que par l’IGAG réagissant chacun de son coté, avec des feuilles de routes distincts et de différents médiateurs. Disponible sur https://issafrica.org/pscreport/psc-insisghts/des-problemes-de-coordination-qui-contrarient-les-efforts-de-paix-continentaux consulté le 30/01/2024 à 14h06
14 https://peacekeeping.un.org consulté le 20/06/2019
15 MINUSMA, La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali a été créée par la résolution 2100 du Conseil de sécurité, du 25 avril 2013, pour appuyer le processus politique dans ce pays et effectuer un certain nombre de tâches d’ordre sécuritaire. Le Conseil de sécurité a demandé à la MINUSMA d’aider les autorités de transition maliennes à stabiliser le pays et à appliquer la feuille de route pour la transition.https://peacekeeping.un.org/fr/mission/minusma
16 MONUSCO(2010) : Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la Stabilité en République démocratique du Congo. Mission en place il y a plus de 20ans précédée par la MONUC(1999).
17 Financement durable de l’Union Africaine disponible sur https://au.int/fr/financement-durable le 21/06/2019
18 Une acceptation de tous les dirigeants des pays africains aussi bien à travers les textes adoptés que par des actes posés par les CER auxquels ils appartiennent.
19 L’Union Africaine bien qu’elle ne se soit pas prononcée sur l’éventualité d’un recours à la force militaire au Niger n’a pas hésité à suspendre le pays de ses institutions et ses activités dans un communiqué publié le 22 aout 2023.
Pour citer ce document
Quelques mots à propos de : Adamou Amidou Maiga Aïchatou
Doctorante à l’Université Abdou Moumouni de Niamey
Faculté des Sciences politique et juridique (FSJP)