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39 ‖ JUIN 2024
Le climat de la classe et l’auto-efficacite des enseignants des etablissements secondaires de songon
Résumé
La présente étude examine la relation entre le climat social de la classe et le sentiment d’auto-efficacité des enseignants du secondaire dans la commune de Songon à Abidjan. Elle examine en outre, le rapport entre les variables sexe, expérience professionnelle des enseignants et leur niveau d’auto-efficacité. Cette investigation est liée au contexte d’un environnement scolaire empreint de violence multiforme dans lequel l’enseignant doit interagir avec les apprenants. Dans cette perspective, 120 sujets ont été interrogés dont 83 hommes et 37 femmes.
Les résultats issus des tests du Khi carré indiquent que le climat social de la classe favorable ou défavorable ne permet pas de prédire le degré d’auto-efficacité d’un enseignant. De plus, il n’existe pas de lien significatif entre le sexe, l’expérience professionnelle de l’enseignant et son sentiment d’auto-efficacité.
Les résultats ont permis de mettre en relief, l’importance du sentiment d’auto-efficacité dans la réussite ou l’échec des activités pédagogiques des enseignants.
Abstract
The present study examines the relationship between the classroom social climate and the sense of self-efficacy of secondary school teachers in Songon. To Abidjan. It further, examines the relationship between the variables sex, professional experience of teachers and their level of self-efficacy. The originality of this investigation is linked to the context of a school environment marked by multifaceted violence in which the teacher must interact with the learners.
The result from the chi-square test indicate that the social climat of the class, favorable or unfavorable, does not predict the degree of self-efficacy of a teacher. More other there is no significant link between gender, the teacher’s professional experience and their sense of self-efficacy.
Ultimately, these results made it possible to highlight the importance of the feeling of personal efficacy in the success or failure of teacher’s educational activities.
Table des matières
Texte intégral
pp. 152-170
01/06/2024
Introduction
1L’éducation est un droit humain fondamental, garanti pour tous sans aucune discrimination au regard de l’article 26 de la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 (Nations unies, 2015). Elle constitue un des fondements déterminants de la société dans son développement économique et social. Pour y parvenir, la société en général et en particulier les Etats, mènent des actions qui reposent principalement sur l’accès au système scolaire.
2L’institution scolaire demeure l’instrument permettant à l’être humain de développer les qualités morales, intellectuelles, artistiques et physiques. Mieux, elle est pour la société, l’institution éducative privilégiée pour faire acquérir des connaissances, préparer à la vie professionnelle, éduquer à être citoyens et à vivre ensemble (Sillamy,2003 ; Thélot, 2013).
3 L’enseignement scolaire, activité hautement pédagogique pour être efficace, nécessite un champ de pratiques approprié, aux conditions aptes à assurer une construction des savoirs aux apprenants. A cet effet, bien de travaux ont mis en exergue, la qualité et la valeur du vivre ensemble et de collaborer en milieu scolaire en tant qu’un enjeu éducatif pour tous à l’école (Diker, 2004 ; Paquin, 2004). Ainsi, la visée qui consiste à tendre vers un bon climat collaboratif au sein d’un établissement solaire s’inscrit dans le cadre de la quête de l’efficacité et de la qualité l’acte éducatif. De la sorte, pour Mangia (2015) citant Canon : « le climat de classe est un ensemble de phénomènes (relations, conflits, discipline, motivation) qui caractérisent l’atmosphère et qui donnent le goût d’enseigner et d’apprendre » (p7).
4Toutefois, la qualité de vie en milieu scolaire s’avère problématique au sein des établissements d’enseignement car empreints de violence sous plusieurs formes notamment, verbale et physique, (Debarbieux, 2016). Selon Massé et al. (2006), des jeunes de plus en plus nombreux, présentent des difficultés à s’adapter aux différentes situations d’apprentissage et à vivre des relations sociales harmonieuses et constructives dans leur environnement scolaire. Dès lors, les différents acteurs du milieu scolaire notamment les élèves, les enseignants, le personnel administratif et d’encadrement se trouvent confrontés aux comportements inappropriés de certains élèves en classe. Ainsi, certains apprenants par leurs comportements asociaux, perturbent le climat de la classe dans leurs différentes manifestations notamment, les graffitis, les agitations, les provocations des autres élèves, la défiance de l’autorité et les incivilités envers les enseignants. Outre la responsabilité des apprenants dans la dynamique du climat de classe, Mangia (2015) fait apparaitre celle des enseignants à travers leur attitude personnelle, leur style de relation avec les parents et les élèves et leur capacité à favoriser la motivation, d’instaurer une saine discipline et de gérer les conflits.
5Quant au système éducatif en Côte d’Ivoire, il n’est non plus en marge de cette problématique de la violence et des dysfonctionnements qui impactent fortement et durablement le climat scolaire (Koffi, 2018). En effet, la massification des effectifs scolaire et son corollaire d’effectifs pléthoriques dans les classes, favorisent et accentuent la dégradation de l’environnement pédagogique dans le système éducatif ivoirien (PASEC, 2019). Le cadre de vie scolaire en général et en particulier, celui de la classe, sont le théâtre de la manifestation de comportements déviants. Or, il est souvent difficile pour un enseignant de travailler dans un tel contexte pour atteindre les objectifs pédagogiques et les compétences à développer.
6En effet, le déroulement d’une situation pédagogique évoque une complexité du fait de sa nature, mettant en interaction, l’enseignant et les élèves dans un même cadre, celui de la classe et pendant une certaine durée (Jonnaert & Vander, 1999). Ainsi, l’efficacité de l’acte pédagogique apparait comme une question de contexte où entrent en jeu, les capacités de l’enseignant à maintenir un climat social positif dans la classe et à prendre en charge les élèves ayants des difficultés d’intégration. Précurseur dans ce domaine, Moos (1979) fait du climat social de la classe, une composante fondamentale de l’environnement éducatif de par sa fonction médiatrice des autres facteurs tels que les facteurs organisationnels, physiques et architecturaux, le contexte de la classe et les caractéristiques globales des apprenants. En effet, selon l’auteur, un environnement de la classe favorable, orienté vers de bonnes relations renforcerait le bien-être, l’estime de soi, alors que l’atmosphère conflictuel exerce une influence négative sur le sentiment de sécurité et les performances scolaires. Le climat social de la classe est donc le cadre psychosocial à l’intérieur duquel se déroulent l’enseignement et les apprentissages.
7Selon Malorie (2019), le climat de classe est l’environnement social d’un élève et repose sur les interactions des élèves entre eux, ainsi que celles des élèves avec l’enseignant. Il intègre également les dimensions organisationnelles et spatiales de l’environnement et sert de cadre et de conditions de l’efficacité de l’action pédagogique.
8A ce propos, plusieurs recherches ont démontré une relation appréciable entre le sentiment d’auto-efficacité de l’enseignant et l’efficacité de l’acte pédagogique. Ainsi, Gordon (2001) ; Melby (1995) cités par Gaudreau et al., (2015) révèlent que : « les enseignants qui présentent un fort sentiment d’efficacité personnel démontrent une plus grande capacité à planifier et à organiser les activités d’enseignement et d’apprentissage, et ils sont plus engagés, plus ouverts aux nouvelles idées et aux approches pédagogiques novatrices pouvant répondre aux besoins de leurs élèves » (p.33).
9En effet, le sentiment d’auto-efficacité des enseignants est perçu comme la croyance que ceux-ci ont de leur capacité à influencer l’apprentissage des élèves (Gibson & Dembo, 1984) cités par Dussault et al. (2002). Ainsi, des personnes différentes avec des aptitudes différentes, ou la même personne dans des circonstances différentes peuvent donc obtenir des performances faibles, bonnes ou remarquables.
10Pour Lecomte (2004), certes le niveau initial de compétence influe sur les performances obtenues, mais son impact est fortement médiatisé par les croyances d’efficacité personnelle. Dans cette perspective deux groupes se dégagent au regard des travaux scientifiques sur le sentiment d’efficacité des enseignants. Ainsi, l’on distingue d’une part, les enseignants présentant un sentiment d’auto-efficacité élevé et qui croient en leur capacité à apporter des changements significatifs dans l’apprentissage des élèves et d’autres part, ceux exprimant un faible sentiment d’auto-efficacité dans la gestion des élèves présentant des comportements difficiles (Gaudreau et al,. 2015).
11Dussault et al. (2002) ont observé comment les enseignants ayant une efficacité perçue haute ou basse, organisent leurs activités en classe. Effectivement, ceux qui ont un sentiment d’efficacité élevé consacrent plus de temps aux activités scolaires, fournissent aux élèves en difficultés, l’accompagnement nécessaire pour réussir et valorisent les bons résultats. Ils créent donc des expériences de maitrise pour leurs élèves en s’appuyant sur des moyens persuasifs et en soutenant la croissance de l’intérêt intrinsèque et de l’auto direction intellectuelle de leurs élèves. De même, Mc Ber (2000) décrit les spécificités de l’enseignant efficace. Il fait alors émerger douze caractéristiques regroupées en quatre thèmes relevant du professionnalisme, de la réflexion et du raisonnement, des attentes et du leadership. Ainsi, l’enseignant peut à tout moment se libérer des contraintes pédagogiques et environnementales pour s’adapter aux attentes des apprenants.
12En revanche, les enseignants envahis de doute construisent un climat de classe qui risque de ruiner les évolutions que se font les élèves de leurs propres aptitudes et de leur développement cognitif. Ils consacrent plus de temps à des activités non scolaires, abandonnent rapidement les élèves qui n’obtiennent pas des résultats rapides et les critiquent pour leur échec (Berger & Girardet, 2016 ; Gaudreau et al). Or, moins les enseignants consacrent de temps à l’enseignement scolaire, moins les élèves progressent. Les professeurs au faible sentiment d’efficacité sont généralement stressés et énervés par les mauvaises conduites des élèves. Ils doutent de leur motivation, imposent des règles strictes de fonctionnement de la classe pour mieux contrôler leur comportement, se focalisent sur la matière enseignée que sur la formation et utilisent des récompenses extrinsèques et des sanctions pour les amener à étudier (Woolfolk & Hoy, 1990). En clair, ils créent un environnement de classe défavorable aux apprentissages.
13En somme, le sentiment d’auto-efficacité personnel de l’enseignant contribue à déterminer l’organisation, la gestion et le fonctionnement de la classe, son investissement dans la poursuite des objectifs pédagogiques qui lui sont fixés, la persistance de son effort et les réactions émotionnelles qu’il exprime lorsqu’il rencontre des obstacles professionnels dans sa classe notamment l’indiscipline, les conflits entre élèves, entre professeurs et élèves, les difficultés d’apprentissage, l’absentéisme. L’enseignant efficace pourrait à tout moment trouver des réponses appropriées aux difficultés d’adaptation et d’apprentissage des élèves en leur inculquant des techniques appropriées. Quant à l’enseignant peu confiant et inefficace, il aurait du mal à évoluer dans une classe difficile. Cossette et al. (2004) ont observé à cet effet qu’une perception globale négative du climat de classe augmenterait chez l’enseignant, le sentiment de dégout. Ce qui l’amène à radicaliser les sanctions disciplinaires. Dans cette perspective, le rôle de l’enseignant devient fondamental dans la réalisation des objectifs éducatifs dans la mesure où il est le véritable moteur de la conduite et de la valorisation des actes d’enseignement.
14Au sein des lycées et collèges et dans la conduite de l’acte éducatif, les enseignants vivent différentes situations éducatives où ils sont amenés à adapter leur scénario pédagogique à la spécificité des élèves. Ainsi, les enseignants doivent à la fois conduire leurs activités, les autoévaluer et élaborer un champ de pratiques sociales au sein duquel se déroulent les processus d’apprentissage et de construction de connaissances pour répondre aux attentes des apprenants (Moro & Rickenmann, 2004). L’auto-efficacité des enseignants pourraient donc avoir un lien avec le climat de l’environnement pédagogique où ils exercent.
15Par conséquent, face à l’hétérogénéité de l’environnement scolaire en général et en particulier du climat de la classe dans le système éducatif du second degré, empreint de comportements asociaux, il est pertinent de s’interroger quant à son impact sur l’enseignant.
16Autrement dit, le climat social de la classe affecte-il le sentiment d’auto-efficacité de l’enseignant ? Le profil de l’enseignant en termes de sexe et d’expériences professionnelles sert–il d’effet médiateur dans ces liens ?
17L’objectif de cette étude est d’évaluer l’impact du climat social de la classe sur le sentiment d’auto-efficacité de l’enseignant au regard de son profil. Nous formulons les hypothèses opérationnelles suivantes :
-
H.O.-1 : Les enseignants qui exercent leurs activités pédagogiques dans une classe avec un climat social favorable ont un sentiment d’auto-efficacité supérieur à ceux de leurs pairs qui exercent dans une classe avec un climat social défavorable.
-
H.O.-2 : Quel que soit le climat social de la classe, les enseignants de sexe masculin ont un sentiment d’auto-efficacité supérieur à celles de sexe féminin.
-
H.O.- 3 : Quel que soit le climat social de la classe, plus les enseignants ont une expérience professionnelle et plus ils ont un sentiment d’auto-efficacité élevé.
18Pour étudier le rapport du climat social de la classe à l’auto efficacité des enseignants du secondaire, nous retenons la théorie sociocognitive de Bandura (1986) comme cadre de référence. Cette théorie servira de démarche en vue de saisir l’effet des interactions entre le climat de classe et le sentiment d’auto efficacité des enseignants.
19Dans sa mise en œuvre, la présente étude s’articule autour de trois parties. En premier lieu, la méthodologie servira de cadre pour traiter de l’échantillon d’étude, de l’instrument de collecte, de la procédure et du test statistique appliqué. En second lieu, seront présentés les résultats obtenus qui déboucheront enfin sur la phase de leur discussion.
Méthodologie
Echantillon
20Le terrain de l’étude est le District Autonome d’Abidjan qui regroupe la plus grande concentration des établissements de tous ordres au regard de la densité de sa population estimée à 6.321 017 habitants au recensement de 2021 soit 21,5% de la population du pays (RGPH, 2021). La commune de Songon a retenu notre attention, car elle est la dernière-née dudit district depuis 1995 avec une population scolaire hétérogène dont certaines citadines et d’autres rurales qui pourraient moduler fortement les interactions en classe. Dans les établissements qui ont répondu favorablement à notre sollicitation, des critères sont retenus pour constituer l’échantillon de l’étude. Au niveau des écoles privées la condition essentielle est la détention d’une autorisation d’enseigner délivrée par le Service Autonome des Etablissements Privés à défaut d’être un enseignant vacataire formé par l’Ecole Normale Supérieure. Le second critère est celui de l’ancienneté d’au moins quatre ans de l’établissement, ce qui permet le parcourt d’une cohorte d’élèves dans le premier cycle secondaire.
21Au terme de la procédure, l’échantillon de notre étude est constitué d’un effectif de 120 enseignants à partir de cinq établissements. Ce sont 46 professeurs exerçant au lycée moderne, 30 au collège moderne, 20 au collège notre dame d’Abadjin, 14 pour le collège privé Jules et Marcelle et 10 pour le groupe Académia.
Instruments de collecte et cotation
22Dans cette étude, deux types de questionnaires sont utilisés comme instrument de collecte de données. Ainsi, pour évaluer le sentiment d’auto-efficacité des enseignants, une échelle d’attitude, suivant le modèle de Bandura (2006) est élaboré. Cette échelle est adaptée aux enseignants du secondaire. Ceux-ci sont conviés à répondre sur une échelle ordinale de type Likert en cinq points (1 = pas tout à fait capable, 2 = un peu capable, 3 = moyennement capable, 4 = plutôt capable, 5 = tout à fait capable) à plusieurs items.
23L’échelle est construite de façon à prendre en compte les croyances et les jugements de capacité des enseignants dans un contexte de classe. Elle est composée de 15 items dont par exemple, les items 1, 2,7 sont respectivement : « quand un élève fait mieux, c’est souvent parce que j’ai fait un petit effort supplémentaire, « la capacité d’apprendre d’un élève est essentiellement liée aux antécédents familiaux », « quand j’essaie vraiment, je peux venir à bout des élèves les plus difficiles ».
24Quant à l’évaluation du climat social de classe, un questionnaire spécifique est élaboré sur six dimensions qui sont la friction, la satisfaction, la chaleur affective et la disponibilité des enseignants, l’ordre et l’organisation, le favoritisme et l’engagement et enfin, l’application scolaire. Ces questionnaires présentent la configuration d’une échelle ordinale de type Likert en 5 points. La cotation de chaque échelle, a consisté à accorder la note 1 aux répondants qui cochent la case 1, la note 2 à ceux qui cochent la case 2 et ainsi de suite jusqu’à la note 5. Pour la cotation, l’échelle d’efficacité personnelle comporte 15 items et le total des points est de 5x15= 75 points. Par conséquent, tous les répondants qui ont un score en dessous de 3x15= 45 points, sont perçus comme ayant un sentiment d’auto-efficacité faible. A l’inverse, les autres manifestent un sentiment d’auto-efficacité élevé. Quant à l’échelle d’évaluation du climat de classe, elle comprend 52 items et le total des points est de 5x52 = 260. De la sorte, tous les enseignants qui ont un score en dessous de 3x52 = 156 points, considèrent comme défavorable le climat social de leur classe. En revanche, ceux dont le score est égal ou supérieur au score médian considèrent comme favorable le climat social de leur classe.
Procédure
25L’enquête s’est déroulée sur une période de trois mois de janvier à mars 2023. Elle a permis d’interroger les enseignants pendant leurs différents temps de pause en salle de professeurs. Lors de la passation, ceux-ci sont conviés à situer leurs réponses sur une échelle à cinq points allant de pas du tout à totalement.
Test statistique
26Le traitement des données est fait à l’aide du logiciel SPSS 20 qui a permis de classer dans la catégorie élevée ou faible, chaque enseignant en fonction du sentiment d’auto-efficacité à l’échelle de type Likert. L’analyse statistique appliquée est le Khi-deux qui a servi à mettre en relief, les différences entre les effectifs obtenus.
Résultats
27Les résultats de l’étude mettent en évidence les trois hypothèses opérationnelles. Ainsi, la première hypothèse formulée, indique que les enseignants qui exercent leurs activités pédagogiques dans une classe avec un climat social favorable ont un sentiment d’auto-efficacité supérieur à ceux de leurs pairs qui exercent dans une classe avec un climat social défavorable.
Tableau 1 : statut du climat social et niveau d’auto-efficacité des enseignants
Statut du climat social |
Niveau d’auto-efficacité |
||
Faible |
Elevé |
Total |
|
Défavorable |
2 |
1 |
3 |
Favorable |
53 |
64 |
117 |
Total |
55 |
65 |
120 |
Xc 2 = 0,465 ; ddl=1 avec α.05 ; Xth2 = 3,84.
28Les statistiques révèlent que dans un environnement dont le climat social est favorable, 64 enseignants sur un total de 117 (soit 54,70%) expriment un niveau d’auto-efficacité élevé contre 53 (soit 45,30%). Lorsque le climat social se présente défavorable, un enseignant sur 3 (soit 33,33%) manifeste un niveau d’auto-efficacité élevé contre 2 (soit 66,67%).
29Le khi carré calculé (Xc 2 = 0,465 ; ddl=1) demeure inférieur au khi carré théorique Xth2 = 3,84 correspondant ainsi à une absence de significativité au risque P<.05. Dès lors, l’hypothèse opérationnelle Ho1 selon laquelle les enseignants qui exercent leurs activités pédagogiques dans une classe avec un climat social favorable ont un sentiment d’auto-efficacité supérieur à ceux de leurs pairs qui exercent dans une classe avec un climat social défavorable ne peut être confirmée.
H.O.-2 : Quel que soit le climat social de classe, les enseignants de sexe masculin ont un sentiment d’auto-efficacité supérieur à celles de sexe féminin.
Tableau-2 : Sexe et niveau d’auto-efficacité
Niveau d’auto-efficacité |
|||
Sexe |
Elevé |
Faible |
Total |
Masculin |
34 |
49 |
83 |
Féminin |
21 |
16 |
37 |
Total |
55 |
65 |
120 |
Xc 2 = 0, 109 ; ddl=1 avec α.05 ; Xth2 = 3,84
30L’analyse des données statistiques du tableau-2 indique que 34 individus masculins sur 83 (soit un taux de 40,96%) expriment un sentiment d’auto-efficacité élevé contre 21 femmes sur 37 (soit un taux de 56,76%). Ainsi, le pourcentage des enseignants de sexe masculin ayant un sentiment d’auto-efficacité élevé, demeure inférieur à celui des femmes.
31Toutefois, le khi carré calculé (Xc 2 = 0,109 ; ddl=1), comparé au khi deux théorique Xth2 = 3,84, correspond à une absence de significativité au risque P<.05. Par conséquent, l’on peut infirmer l’hypothèse opérationnelle HO2.
H.O.- 3 : Quel que soit le climat social de classe, plus les enseignants ont une expérience professionnelle et plus ils ont un sentiment d’auto-efficacité élevé.
Tableau 3 : Expérience professionnelle et niveau d’auto-efficacité
Niveau d’auto-efficacité |
|||
Expérience professionnelle |
Faible |
Elevé |
Total |
Moins de 10 ans |
24 |
30 |
54 |
10 à 15 ans |
24 |
28 |
52 |
Plus de 15 ans |
7 |
7 |
14 |
Total |
55 |
65 |
120 |
Xc 2 = 0,932 ; ddl=1 avec α.05 ; Xth2 = 3,84
32Au regard des données statistiques consignées dans le tableau -3, l’on relève que plus les enseignants gagnent en expérience professionnelle et plus la proportion exprimant un niveau d’auto-efficacité élevé, baisse. Ainsi, elle passe d’un effectif de 54 individus pour ceux ayant moins de 10 ans d’expérience à 52 individus pour les 10 à 15 ans d’expérience et à 14 enseignants d’expérience professionnelle de plus de 15 ans.
33Concernant le niveau d’auto-efficacité faible, la proportion des enseignants baisse après 15 ans d’expérience. En outre, l’écart entre les deux modalités élevée et faible du niveau d’auto-efficacité se réduit. Toutefois, cette différence n’est pas significative au regard de la valeur du Khi carré calculé qui est égale à 0,932 inférieur au Khi carré théorique. Par conséquent, l’hypothèse opérationnelle Ho3 est infirmée.
Discussion des résultats
34L’objectif visé par la présente étude, est d’établir des relations entre le climat social de la classe et le sentiment d’auto-efficacité des enseignants, de sexe et d’expérience professionnelle différents. A cet effet, trois hypothèses opérationnelles sont émises. La première hypothèse postule que les enseignants qui exercent leurs activités pédagogiques dans une classe avec un climat social favorable ont un sentiment d’auto-efficacité supérieur à ceux de leurs pairs qui exercent dans une classe avec un climat social défavorable. La deuxième affirme que, quel que soit le climat social de classe, les enseignants de sexe masculin ont un sentiment d’auto-efficacité supérieur à celles de sexe féminin. Quant à la troisième, elle stipule que, quel que soit le climat social de classe, plus les enseignants ont une expérience professionnelle et plus ils ont un sentiment d’auto-efficacité élevé.
35 Les résultats de l’étude montrent que le climat social de la classe n’influe pas significativement sur le sentiment d’auto-efficacité de l’enseignant. En en intégrant le profil de l’enseignant en termes de sexe et d’expérience professionnelle, les résultats demeurent identiques. Pour tenter d’expliquer lesdits résultats, nous évoquons essentiellement la théorie du sentiment d’auto-efficacité de Bandura (op.cit.). Ainsi, elle fournit un modèle de compréhension des déterminants de l’efficacité de l’acte pédagogique en mettant en évidence, les notions de persévérance, d’intérêt, de motivation, d’estime de soi et de croyance en soi comme facteurs d’efficacité dans la réalisation d’une tâche.
36A cet effet, les résultats de l’étude liés à l’impact du climat social sur l’auto-efficacité de l’enseignant font référence à certains travaux entrepris sur la même problématique pour en corroborer les conclusions. Ainsi, ils s’inscrivent dans le même sillon que ceux de Darling et Hammond (2000) portant sur les facteurs de la performance scolaire. En effet, ces auteurs indiquent que les différences d’efficacité entre les enseignants sont très largement responsables des différences d’apprentissage entre les élèves, bien plus que ne sont les différences concernant les effectifs et l’hétérogénéité des classes. C’est dire que l’effet classe est peu lié aux méthodes pédagogiques mises en œuvre par les enseignants et à leurs caractéristiques socioprofessionnelles telles que l’âge, le sexe et l’expérience ou le niveau de diplôme.
37Ainsi, les écarts d’efficacité pédagogique entre enseignants seraient relativement indépendants du contexte d’enseignement, mais tiendraient principalement à des différences d’habileté de l’enseignant dans l’exercice de son métier (Suchaut, 2003). En classe, l’action de l’enseignant et l’impact de ses pratiques sur l’élévation du niveau des élèves sont les deux dimensions qui lient l’effet-maitre à l’efficacité.
38Les résultats auxquels nous avons abouti confirment également ceux des travaux de Lecomte (op.cit.) portant sur les sources du sentiment d’efficacité personnelle. En effet, selon l’auteur, les croyances d’efficacité personnelle proviennent principalement de quatre sources d’informations notamment les expériences actives de maîtrise, l’apprentissage social, la persuasion par autrui et l’état physiologique et émotionnel. Dans cette même optique, Mélançon et al. (2013) relèvent que : « pour ce qui est des sources, ce sont l’expérience active de maitrise ainsi que les états physiques et émotionnels qui semblent avoir une incidence plus marquée sur l’auto-efficacité des enseignants alors que l’expérience vicariante et la persuasion verbale semblent y contribuer dans une moindre mesure » (p.2).
39De même pour Gadbois (2017), ce sont les pratiques enseignantes efficaces qui devraient plutôt favoriser un climat de classe propice à l’apprentissage en ce sens qu’elles permettraient de le contrôler et éviter les perturbations éventuelles. Mieux, pour rendre lesdites pratiques efficaces, il suggère l’importance de la formation additionnelle et l’implication de la communauté éducative. C’est dans cet élan que Valls et Bonvin (2015) dans leur étude portant sur les outils d’évaluation de l’auto-efficacité des enseignants, indiquent comme déterminants, les capacités perçues de l’enseignant à réaliser certaines actions dans le contexte de la classe.
40En somme, l’on peut affirmer que pour les auteurs ci mentionnés, l’auto-efficacité des enseignants résident plus dans la manière dont ils se perçoivent et dans leurs capacités perçues à favoriser une dynamique et un cadre propice aux apprentissages plutôt que dans la dynamique du climat de la classe. Dès lors, l’auto-efficacité de l’enseignant préside au climat de la classe en ce sens que le rôle de l’enseignant est primordial pour garantir un climat de classe positif qui favorise l’apprentissage. Et cela réside dans la nature des interactions entre ses élèves et lui à l’effet de créer une dynamique, une ambiance de classe organisée, plus agréable, positive et chaleureuse.
41Mais d’autres s’en démarquent en mettant en avant, l’influence du milieu sur le comportement de l’individu. Ainsi, les résultats de notre étude ne s’inscrivent pas dans le sens de l’hypothèse d’interaction entre le climat social de la classe et le sentiment d’auto-efficacité dans la conception des rapports entre l’individu et son environnement (Murray, 1963). L’auteur développe une théorie de la personnalité qui permet de décrire l’individu par un ensemble de besoins, reflétant les déterminants du comportement par une série de pressions environnementales avantageuses et défavorables qui influencent la personne. Il conçoit donc que les forces environnementales affectent le comportement humain.
42Cohen et al. (2009) soutiennent dans ce sens qu’une classe avec un climat sain, influence directement l’engagement, l’estime de soi et la qualité de l’acte pédagogique des enseignants, mais surtout les enseignants débutants. En effet, un environnement favorable oriente vers de bonnes relations, renforce le bien-être académique alors que l’aspect conflictuel exerce une influence négative sur les apprentissages, les performances et le sentiment d’efficacité personnel de l’enseignant. Cette thèse corrobore également le modèle de Gretzel et Tehlen cités par Gélinas (1997) qui perçoivent la classe comme un système social. A l’intérieur de ce système, le sentiment d’auto-efficacité des enseignants, les attentes des élèves et le climat social de la classe interagissent pour ainsi prédire le comportement de l’enseignant.
43Toutefois, cette approche semble ne pas mettre en relief les capacités de l’enseignant à se soustraire des pressions environnementales. Elle ne souligne pas non plus le fait que l’enseignant peut se surpasser, se fixer des objectifs d’amplitude plus grande, de les atteindre malgré le contexte de la classe. Ces limites semblent avoir été comblées par les études sur le sentiment d’efficacité personnelle développées par Bandura (1986). L’auteur indique que tout individu possède un certain contrôle sur les évènements qui régissent sa vie et que chacun est susceptible d’exercer ce contrôle de manière active afin de pouvoir agir sur sa propre vie. Cela est possible par le fait que les individus possèdent une certaine confiance en leur capacité à accomplir des actes, ce qui les amène à exercer une influence relative sur leur environnement. C’est dire que l’enseignant efficace exerce une influence positive sur les élèves et ce, malgré les conditions du milieu.
44En définitive, les résultats de notre étude corroborent en partie, ceux de Bandoura (1986) selon lesquelles l’enseignant n’est pas sous l’emprise totale de l’environnement dans lequel il opère, mais dispose d’une marge de manœuvre sur le climat de la classe.
Conclusion
45La présente étude nous a permis d’analyser la relation entre le climat social de la classe et le sentiment d’efficacité personnelle des enseignants. A cet effet, les résultats ont révélé que les enseignants exerçant leurs activités pédagogiques dans une classe avec un climat social favorable, ont un sentiment d’auto-efficacité supérieur à ceux de leurs pairs dont les activités se déroulent dans un climat social défavorable.
46Cependant, quel que soit le climat social de la classe, favorable ou défavorable, les variables sexe et expérience professionnelle n’influent pas significativement sur le sentiment d’auto-efficacité de ces derniers.
47Dès lors, le sentiment d’efficacité personnelle étant un facteur non négligeable dans l’accomplissement d’une action mais surtout quant à sa réussite ou à son échec, il importe d’ouvrir de nouveaux champs d’investigation relativement aux facteurs d’interférence.
Bibliographie
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Pour citer ce document
Quelques mots à propos de : Amédée Assamin Assamin
Docteur en sciences de l’éducation, Assistant, Université Félix HOUPHOUET-BOIGNY
d’Abidjan Cote d’Ivoire,